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Au lot 50591 de la vente aux enchères de France et colonies françaises du 16 juin 2021, la maison David Feldman propose à la vente intacte une fascinante collection. Le philatéliste à l’origine de cette collection par l’intermédiaire de cet article propose de découvrir l’arrière des coulisses des postes françaises à Zanzibar en réalisant une chronologie des hommes ayant eu pour charge le bon fonctionnement de ce bureau. Jean MANNONI est sans aucun doute le postier français à Zanzibar dont le nom arrive le plus facilement en tête cependant il ne fût ni le premier, ni le dernier à la tête du bureau postal. Nous allons donc rendre à César ce qui lui appartient. Février 1889 – mai 1892 Il revient à Léon Désiré RUBY d’ouvrir le bal. C’est lui, tout juste promu receveur, qui préside à la création du bureau Français en Janvier – février 1889 (BMP 01.1890 et Annuaire officiel de la république française pour 1889). Ces mérites sont reconnus par les instances diplomatiques locales :

 « …Notre bureau installé et organisé par un fonctionnaire intelligent de notre administration centrale des postes, établit immédiatement sa supériorité sur le Post-office anglo-Indien … »

(Extrait rapport consulat Français du 15/04/1891)

Bureau de Poste Français à Zanzibar (avant sur le front de mer, arrière sur MIZIGANI ROAD)

Durant cette période, le bureau des postes française ne connut pas d’évènements philatéliques ou postaux notables, pas de surcharges locales, pas de pénuries.

En 1889, les postes françaises étaient les seules à bénéficier du régime de l’UPU et attiraient la clientèle allemande et une partie de la clientèle anglaise.

Ce régime allait bientôt pâtir de l’entrée des postes de l’Inde britannique à Zanzibar dans l’UPU en avril 1890 et de l’ouverture d’un bureau de poste allemand en septembre 1890. Ce dernier fermera le 31/07/1891 conséquence du traité « Heligoland-Zanzibar » et ramènera une partie des négociants allemands dans le giron des postes françaises.

Monsieur RUBY quittera son poste en mai 1892 (BMP 05.1892) pour La Roche-sur-Yon, on le retrouvera plus tard à Pékin (1903). A l’époque le receveur percevait un traitement annuel de 3.500 francs (1892)

Léon RUBY fit encore parler de lui durant la grande guerre. En effet – alors retraité et âgé de 62 ans – il se porta volontaire dès 1914 pour servir dans l’Armée Française et prendre la place de son fils Victor tué à l’ennemi.

Il survécut et reçut la légion d’honneur en 1917

Mai 1892 – septembre 1895

C’est jean Louis COUZY qui prit la suite, affecté en mai 1892 (Etat des services de l’intéressé), les deux postiers (RUBY et COUZY) échangèrent des correspondances dès septembre 1892

Entier carte postale à 10 cts adressé par M. COUZY, Receveur en poste à Zanzibar, le 19 septembre 1892

À son prédécesseur M. RUBY à la Roche-sur-Yon en Vendée

 

Jean COUZY aura un séjour plus long et postalement plus mouvementé que son prédécesseur, en effet :

  • C’est lui qui – dès décembre 1893 – recevra les premiers timbres surchargés de métropole (surcharge : valeur en anna seule),
  • C’est encore lui qui devra faire face à une pénurie momentanée de ces mêmes timbres surchargés dès la mi-février 1894,
  • C’est enfin lui qui, pour éviter une éventuelle rupture de timbres (surchargés ou non), fit produire la première série de surcharges locales qui affranchira de très rares correspondances dès le 15 mars 1894 (et non le 16 comme le reprennent beaucoup de catalogues)

Jean COUZY quitta l’ile en septembre 1895 pour rejoindre Montpellier (état des services de l’intéressé), il fut ensuite affecté à Madagascar ou il trouva la mort en service en février 1902. En 1894, il percevait un traitement annuel de 4.500 francs

Zanzibar regretta ce postier photographe à ces heures et messieurs les anglais se fendirent d’un compliment de départ

« Mons Couzy one of the most genial members of society here outside the English community, left by the French mail for Marseilles to take up his new post of Director of Telegraph Construction for the French lines. Mons. Couzy has for some time past been admitted as an extraordinary member of the English Club and his presence will be much missed, as he had the too rare gift of maintaining most cordial relations with those not his own countrymen » 

Monsieur Couzy, l’un des membres les plus géniaux de la société ici en dehors de la communauté anglaise, est parti par la courrier français pour Marseille pour prendre son nouveau poste de directeur de la construction des lignes télégraphiques françaises. Monsieur Couzy était depuis quelque temps admis comme membre extraordinaire du club anglais et sa présence nous manquera beaucoup, car il avait le don trop rare d’entretenir des relations les plus cordiales avec ceux qui ne sont pas ses propres compatriotes.

The Gazette 04 sept 1895 p.3

Il semble que jamais la Gazette de Zanzibar ne publia tant d’éloge sur un ressortissant Français !

Je cite ici pour mémoire, François NOBLET qui – alors qu’il était en poste à Tanger – du recevoir une affectation pour Zanzibar mais finalement se retrouva à Paris RP (ou alors était-ce une coquille du Bulletin mensuel des postes de juin 1895)

Septembre 1895 – Juillet 1904

Après Constantinople puis Salonique, Jean MANNONI – certainement le postier le plus connu des bureaux français à l’étranger – pris les commandes de Zanzibar en Septembre 1895.

Il prit doublement les commandes, car son arrivée coïncide avec un boum de l’activité du bureau de poste, il suffit de voir l’évolution des recommandés, notamment sur la période 1896 – 1900, pour s’en convaincre (cf tableau précédent).

Nous pouvons mesurer l’activité du bureau et la qualifier d’essentiellement philatélique en passant en revue :

  • Les destinataires des courriers généralement généreusement affranchis en provenance de Zanzibar qui nous sont parvenus (SCHEITHAUER, BOHMER, THUVIEN, OTTO BICKEL, SCHNEIDER, FORBIN, ARNOULD, …) sont autant de collectionneurs ou de négociants de la fin du XIX° siècle
  • L’archive Mannoni qui est dispersée depuis quelques années nous offre de précieuses informations sur les demandes et les commandes des philatélistes de l’époque

Alors soit, Jean MANNONI a été le génie de la vente des produits philatélique de son époque, il a élevé la surcharge locale au niveau d’activité certainement lucrative et ses surcharges du 20 juillet 1897 sont mondialement connues et collectionnées (C’est volontairement que je ne cite pas les surcharges de juillet 1904, patience …), mais il fût également le héros local lors du bombardement de Zanzibar le 27 aout 1896,

……….. Je crois également de mon devoir de signaler à votre excellence la conduite du receveur des postes françaises, M. MANNONI qui ne quitta son bureau qu’après avoir assuré le transport de ses registres sur le Volturno, d’où il expédia le courrier d’Europe (malle allemande) ………….

Compte rendu du consul de France à Zanzibar au Ministre des affaires étrangères le 29 aout 1896

Le Volturno était une canonnière Italienne présente durant le bombardement de Zanzibar par les navires Anglais le 27 aout 1896 (Guerre considérée comme la plus courte de l’histoire : 38 minutes !). Il y a là une opportunité historique à saisir pour ceux qui trouveront dans leur collection des plis oblitérés du bureau français les 26 ou 27 aouts 1896 !

Jean MANNONI avait besoin d’aide de confiance dans son commerce, il fut rejoint fin juillet 1898, par son jeune frère Ange-Marie MANNONI.

Si la Gazette de Zanzibar le présente comme succédant à son frère à la tête des postes françaises ainsi qu’aide chancelier au consulat,

Mons. A.M. Mannoni has arrived to take charge of the French Post office and perform the duties of Chancellor at the French Consulate in succession to his brother who left by the homegoing mail on Tuesday

(Supplément à la Gazette de Zanzibar du 27/07/1898)

Il ne fut en fait que surnuméraire jusqu’en aout 1902 [BMP aout 1902 p738], c’est-à-dire payé sur le budget local du bureau de Zanzibar.

On le retrouve ensuite avec le grade de commis en Indochine (1902), puis à Marseille (mars 1904) …………. Pour de nouveau le voir nommément cité sur l’ordonnance consulaire du 19 juillet 1904 qui autorisait la surcharge des stocks restants avant fermeture du bureau (les soldes ?).

Le consul signataire de l’ordonnance lui attribue le titre de « receveur principal par intérim »

 

C’est donc qu’en juillet 1904 le receveur en titre, Jean MANNONI, est absent et c’est Ange-Marie MANNONI qui est aux commandes !

Le dernier courrier Français, le DJEMNAH (Ligne U, n°2) quitta l’île le 26 juillet 1904 chargé de son lot de courriers souvenirs, avec ou sans surcharges locales

Lettre recommandée en simple port pour la France affranchie à 5 annas (y&t 25 et 50)

Via DJEMNAH (MM ligne U n°2) le 26 juillet 1904

Arrivée Marseille (France) le 13 aout 1904

+1 cachet de facteur pour l’absence du destinataire et la représentation

Une des rares lettres non philatéliques ayant réellement circulée avec une surcharge locale de juillet 1904 (y&t64).

Cette surcharge n’a été apposée que sur 800 timbres (cf y&t 1940). Ce timbre surchargé typographiquement à Zanzibar a été émis le 21 juillet 1904 et a été oblitérés du 22 juillet jour du départ du courrier.

lettre recommandée en simple port « dernier jour du bureau » à destination de la Corse affranchie à 50 centimes (2 semeuse lignées à 10 cts et 2 à 15cts)

Obl Zanzibar 31 juiller 1904

Arrivée à Vilacanale (Corse – France) le 29 aout 1904.

La plupart des courriers « derniers jours » sont adressés à la mére du Receveur (Manoni) ou à M.Nobili, compatriote Corse.

On peut avancer que ces courriers ont été postés « à guichet fermé »

La fermeture de la poste française fut saluée comme il se doit par la presse locale et Ange-Marie MANNONI quitta l’île fin aout 1904, fermant là une page d’histoire postale non dénuée d’intérêt

The Gazette for Zanzibar and East Africa – August 31, 1904 

F.D.